Hervé Breuil : le dessin de couverture pour l’Histoire de France
Le dessin de couverture des albums de L’Histoire de France en bande dessinée, pour les premiers numéros de la collection, est signé par l’illustrateur Hervé Breuil. Nous vous avons récemment présenté sur ce blog quelques uns de ses dessins sur les grandes figures historiques que sont Vercingétorix, Clovis ou Charlemagne par exemple. Nous avons posé quelques questions à Hervé, pour avoir une idée de son parcours et de la façon dont il a abordé ce projet pharaonique.
Hervé, depuis combien de temps collabores-tu avec le studio MAKMA ?
Hervé Breuil : Fichtre ! Depuis le début en fait, et même avant. Le XXIe siècle n’avait pas encore officiellement déployé ses ombres glapissantes.
Comment as-tu appris à dessiner ?
Hervé Breuil : Je pourrais répondre que je dessine depuis ma plus tendre enfance et que je n’ai tout simplement jamais quitté mes crayons. Mais enfin, il y a des dates, des moments où la gesticulation du graphite sur la feuille se domestique, se domine, par la répétition des gestes savants et immémoriaux. À ce titre, j’ai eu beaucoup de chance : l’instituteur de mon école communale avait un haut degré de maîtrise en dessin. Il produisait des natures mortes aux crayons de couleur du plus bel effet. Sa capacité à décrocher le volume de la feuille par un délicat jeu de trames m’impressionnait alors beaucoup.
Savoir construire avant de déconstruire
Et puis, il y a eu le passage à l’Académie des Beaux-Arts de mes 11 à 18 ans. Cette petite structure était, je crois, antérieure aux réformes universitaires qui allaient concasser la transmission des savoirs. En bref, il y avait là, encore en survivance, un apprentissage académique. Le maître des lieux n’en était pas moins un peintre abstrait, mais il avait toute la science traditionnelle. Il avait fait le « long chemin ». Comme il le disait lui-même en leitmotiv : « avant de déconstruire, il faut savoir construire ». J’espère avoir retenu toutes ses leçons.
Sur quel genre de projets travailles-tu d’habitude ?
Hervé Breuil : Je reste un peintre dans l’âme. Si le ciel pissait des sesterces et si le calendrier n’était couvert que du mois de Pluviôse, je me contenterais de brosser des paysages expressionnistes ; saisissant le cerf blanc au passage et réveillant quelques accortes dryades. Mais, dans un cadre moins ambitieux, mon travail d’animateur culturel m’a amené à développer parallèlement un style BD très franco-belge, dans le registre caricatural, tout à fait adéquat pour le jeune public de mes ateliers. J’ai quelques sympathiques outils pédagogiques, quelques historiettes qui finiront peut-être un jour sous forme de publication.
Comment t’es-tu retrouvé à dessiner les couvertures de la collection Histoire de France ?
Hervé Breuil : Sur proposition de l’ineffable trublion Edmond Tourriol.
Comment as-tu abordé ce travail ?
Hervé Breuil : Avec légèreté et un soupçon d’appréhension, avant de voir le barda se charger de lest. Chicaneries et exigences ont parfois accouché du meilleur.
L’arlequin flamboyant plutôt que le treillis
La collection traite de différentes périodes de l’histoire française. Quel en était l’impact sur la création du dessin de couverture ?
Hervé Breuil : Forcément, il s’agit de jongler entre les époques. En matière de période historique j’ai mes marottes. Il y a des périodes incroyablement inspirantes, qui vous transportent, et d’autres moins. Par exemple, je n’ai pas de passion esthétique particulière pour l’époque contemporaine. Et si on me demandait instamment de choisir entre dessiner un courageux soldat amerloque du débarquement et un téméraire lansquenet de la guerre de 30 ans, il ne me faudrait pas trois plombes pour choisir ce dernier. L’arlequin martial et flamboyant plutôt que le treillis kaki.
Encore qu’il faille admettre que la stimulation vienne aussi de ce jeu des contrastes, du plaisir qui se renouvelle à chaque défi. Donc rien qui ne soit tout à fait insoluble dans une bonne, très très bonne, recherche documentaire.
Qu’en est-il des figures historiques ? As-tu eu des difficultés à choisir le personnage à faire paraître sur un dessin de couverture ?
Hervé Breuil : Rarement. Surtout si le personnage est le centre du récit. À la limite, sur la couverture, on pourra satelliser les personnages de son entourage familial ou politique qui auront eu de l’influence sur lui. On peut penser là à Richelieu et Louis XIII ; la conduite bicéphale de la France à l’amorce du Grand Siècle. Dans une moindre mesure, certaines maîtresses de poids. Et n’oublions pas les mères, celles qui ont bâti ou régenté leur roi de fils. Tout ce beau monde peut s’intégrer et habiller une belle couverture.
A contrario, c’est une autre paire de manches sur les couvertures que je qualifierais d’événementielles. Quand les hommes, fussent-ils immenses, sont pris dans le Kairos, quand la somme des moments les écrase ou les révèle, et qu’ils sont en plus sacrément nombreux, l’illustrateur est parfois à la peine.
Dessin de couverture : des compositions parfois complexes
Sur la décennie qui court de 1789 à 1799, du début de la Révolution Française au Coup d’État du 18 Brumaire, il y a du monde. Même en la saucissonnant par morceau (Révolution, Terreur, Directoire, Consulat), les personnages d’importance restent légion, sachant par ailleurs que ces beaux messieurs et ces belles dames ont tendance à passer rapidement du salon à la tribune, puis à la décollation. Alors, immanquablement, on se demande qui choisir ? Est-ce qu’il y a un personnage hyper emblématique ? Faut-il y adjoindre une séquence, une anecdote assez évocatrice de l’époque ? Bref, là, il y a du boulot, des compositions forcément plus denses et donc plus complexes. Par chance, ce type de couverture reste minoritaire.
Quels seraient tes conseils pour un artiste qui travaillerait sur le même type de projet ?
Hervé Breuil : Bien sûr, avoir des connaissances en matière d’Histoire de France. Les compléter au besoin en se tenant au courant de la recherche contemporaine. S’astreindre à une forte et puissante recherche documentaire. Voir et intégrer à sa banque de données les œuvres produites à l’époque. Être modeste, ne pas penser que dans le cadre défini et limité d’une illustration, il sera possible de concevoir aussi beau et puissant que ces artistes entrés dans la postérité. S’appuyer sur leurs œuvres pour penser sa propre composition ; car, à défaut de pouvoir « se jucher sur les épaules de ces géants », il nous sera accordé de leur tenir la main afin qu’ils nous guident l’espace d’un instant.
Merci Hervé, pour ces réponses pleines de poésie qui trahissent immanquablement l’âme d’un véritable artiste, et rendez-vous régulièrement sur le dessin de couverture des albums de l’Histoire de France en BD !
Exceptionnellement, nous vous proposons d’admirer certains crayonnés d’Hervé Breuil avant leur prise en main par notre coloriste Esther Chahian, dont le style « façon peinture » fait des merveilles. Voici donc le travail d’illustrateur d’Hervé, dépouillé de tous ses oripeaux.