Tal’Dorei : le défi de la traduction selon Monja Reichert

Publié le 29 novembre 2023
Couverture de Tal'Dorei

Explorez les coulisses de la traduction vers l’allemand de Tal’Dorei Reborn avec Monja Reichert, traductrice/relectrice chez MAKMA. Découvrez son témoignage, où la magie de la langue s’entremêle avec l’univers fantastique de Tal’Dorei, révélant les défis et les triomphes de la création du livre-source pour le jeu de rôle Dungeons & Dragons.

Salut Monja ! Avant de revenir sur ta traduction vers l’allemand de Tal’Dorei, peux-tu nous parler de toi ?

Monja Reichert : Oui, avec plaisir. Je suis moitié italienne, moitié allemande. J’habite en Italie mais je suis de langue maternelle allemande. Euh… Je suis en effet née en Italie, mais j’ai grandi en Allemagne, puis je suis revenue en Italie et y habite maintenant avec mon mari et mes filles dans une jolie petite ville au bord de la mer.

J’ai toujours aimé les langues, les livres et les BD, et comme je voulais en apprendre plus, j’ai étudié à l’Institut de langues et d’interprétation de Munich. Mais comme la perspective de travailler comme interprète ne me plaisait pas et que je trouvais les domaines des traducteurs trop ennuyeux, j’ai décidé de me spécialiser dans la traduction de comics et j’ai commencé à faire le tour des éditeurs de BD allemands.

De l’italien, de l’anglais ou du français vers l’allemand

C’est ma première BD italienne pour un éditeur allemand qui a mis le feu aux poudres. De plus, j’ai eu la chance de traduire de l’italien, de l’anglais et du français vers l’allemand, et cela m’a donné plus de possibilités pour décrocher de nouvelles missions. Aujourd’hui, je suis l’heureuse traductrice d’environ 700 bandes dessinées et graphic novels en allemand, travaillant pour des maisons d’édition allemandes différentes.

 

Monja Reichert, traductrice de Tal'Dorei
Monja Reichert, traductrice de comics vers l’allemand.

 

Quand et comment as-tu intégré MAKMA ?

Monja Reichert : Un jour de l’année pandémique 2020, un cher collègue traducteur (Jan Dinter) m’avait écrit pour me parler de MAKMA, me dire que le studio allait traduire quelques webtoons en allemand et qu’il cherchaient des gens. Jan avait été contacté par Edmond Tourriol, et comme une personne ne suffisait pas, il m’avait gentiment demandé si j’étais intéressée.

Après un échange d’e-mails avec Edmond, j’ai commencé à traduire quelques webtoons. Mais comme il manquait au départ des correcteurs et que je travaille pour Panini en tant que proofeader, je me suis également occupée de la relecture de certains titres.

La collaboration avec les collègues de MAKMA dans le secteur DE (pour Deutschland) était si belle, et l’expérience de travailler en équipe était si agréable et chaleureuse que j’ai accepté de plus en plus de titres, et j’ai fini par dire au revoir à quelques-uns de mes éditeurs allemands.

Peux-tu nous parler de Tal’Dorei ?

Monja Reichert : Hah ! Si j’avais connu la réponse avant, je n’aurais probablement pas accepté le projet, car je ne me serais pas crue capable de faire quelque chose comme ça.

Tal’Dorei (plus précisément Critical Role : Tal’Dorei Campaign Setting) est un livre-source qui décrit le continent imaginaire Tal’Dorei du set de campagne Critical Role pour la 5e édition du jeu de rôle Dungeons & Dragons, et qui est considéré comme du matériel « officiel » de D&D, car il est basé, entre autres, sur son univers.

Tal’Dorei, un monde rempli de créatures fantastiques

En bref : un monde fantasy rempli d’un nombre infini de créatures, de personnages de classes et de sous-classes différentes, d’une multitude de lieux, de sorts infinis, de cartes illimitées, d’une quantité astronomique d’objets et de reliques, de blocs de valeurs interminables… qui font fonction de livre pour un maître de jeu qui guide un groupe de joueurs à travers ce monde intangible, immense et plein d’aventures.

Quel a été ton rôle sur le projet Tal’Dorei ?

Monja Reichert : Mon rôle était celui de traductrice et de relectrice-correctrice, j’ai en outre rassemblé le trio germanophone avec qui j’ai œuvré pour cette localisation vers l’allemand.

Quand j’ai vu le nombre de pages, j’ai demandé à Edmond de pouvoir engager Christian Heiß. C’est un traducteur de BD très expérimenté et formidable, qui travaille également pour MAKMA ! Je savais de lui qu’il traduisait super bien, qu’il parlait parfaitement anglais, qu’il était fiable et qu’il avait beaucoup d’expérience et de zèle (en plus, je le connais depuis plus de 40 ans, parce que nous étions voisins quand nous étions enfants et il avait des tonnes de BD, et moi non, donc je préférais traîner chez lui que chez moi).

Dès que nous avons commencé à nous partager les chapitres, nous nous sommes rendus compte de la quantité de texte en jeu.
Nous avions commencé un glossaire, auquel nous avions tous les deux accès et que nous pouvions compléter ou consulter à tout moment. Il abritait d’innombrables créatures, sorts, lieux, noms, animaux, dieux, etc. en anglais et en allemand, avec les explications, les indications de chapitre et autres informations. C’était important pour que tout soit cohérent.

Ralph, un autre collègue m’a appris que sa fille Sarah Kruhm était une passionnée de jeux de rôle et qu’elle jouait entre autres à Critical Role avec ses amis en ligne, éparpillés dans le monde entier, je lui ai demandé de me confirmer quelques termes du monde de D&D. Sa parfaite connaissance de cet univers nous a poussé à lui proposer de rejoindre notre petite équipe au sein d’un canal de discussion « Official Tal’Dorei Support Group » que nous avons créé pour l’occasion. C’est donc avec ce chat en trio que l’aventure de traduction la plus folle de tous les temps a vraiment commencé. Je crois que c’est le chat avec le plus de messages et de screenshots que j’ai depuis que les téléphones portables existent.

Et puis, il y avait notre superviseur, Mathieu Auverdin. Il est l’être le plus patient et le plus sympa de l’univers MAKMA. Nous n’aurions pas pu rêver mieux. Malgré nos retards constants, qui sont (malheureusement) devenus presque routiniers, il n’est jamais devenu bourru, et est toujours resté compréhensif et patient.

Traducteurs et relecteurs à tour de rôle pour Tal’Dorei

Il faut dire que Sarah avait même repéré des erreurs dans le sourcebook original et que nous avons posé des questions à Mathieu, qui les a transmises à son tour à l’éditeur anglais pour savoir comment l’écrire correctement pour la version allemande. Il y avait tout simplement énormément de choses à prendre en considération.

Christian corrigeait mes traductions (chapitre par chapitre). Moi, je corrigeais les siennes et lorsque Sarah nous a rejoints, elle a relu nos textes aussi et les a scannés à la recherche de toutes sortes d’erreurs. Enfin, elle s’est également chargée de la traduction des blocs de valeurs compliqués que seul un vrai nerd (dans le sens absolument positif du terme) peut traduire fidèlement.

Nous sommes donc tous les trois devenus à tour de rôle traducteurs et réviseurs du projet, Mathieu nous maintenant à flot tout en gardant la tête froide. Ensuite, ces pages interminables, avec leur nombre incroyable de cartes, d’images, de symboles et de textes, ont été confiées à deux autres prodiges de la grande famille MAKMA : les maquettistes Sébastien Scalisi et Cyril Bouquet. Ils ont sué sang et eau dans ce projet, car eux aussi ont subi nos retards, ce qui a certainement créé encore plus de pression et de confusion.

Finalement Sarah, Chris et moi, avons corrigé l’ensemble de l’œuvre lettrée, tandis que Mathieu se chargeait du travail de Sisyphe en faisant correspondre tous les termes de l’index avec les mots à l’intérieur du livre et les numéros de page. Je ne connais pas les détails de cet immense travail de la part des collègues français, mais j’imagine bien quel boulot ça a dû être !

Garderas-tu un bon souvenir de ton expérience sur Tal’Dorei ?

Monja Reichert : Maintenant, deux mois après le rendu final, je peux dire que j’ai trouvé le projet merveilleux, et notre collaboration a été un rêve et nous rions (et pleurons !) encore aujourd’hui de certains moments désespérés. Si on m’avait posé cette question alors qu’on était encore en plein dedans, j’aurais probablement eu une crise de rire hystérique. Bien sûr, j’en garde de très bons souvenirs, grâce à notre équipe formidable ! Entre-temps, nous avons tous aussi surmonté les nuits blanches et rattrapé le manque de sommeil.

Aurais-tu une anecdote à nous raconter ?

Monja Reichert : Aujourd’hui encore, certains commentaires de Christian ou de Sarah dans notre canal de discussion me font sourire. Par exemple, quand Christian (le seul être raisonnable parmi nous, qui essayait de ne pas travailler le week-end) réagissait le lundi matin, complètement perturbé, aux dizaines de milliers de messages de Sarah et de moi, en nous demandant si nous étions encore récupérables. Et les gifs que nous nous envoyions parfois étaient toujours si appropriés et si marrants qu’ils compensaient toute la tension. Notre assemblage était vraiment inhabituel et notre collaboration si unique que nous avons conservé notre chat dingue même après la fin du projet et nous nous envoyons encore un petit coucou de temps en temps.

Sur quels autres projets travailles-tu en ce moment ? Peux-tu nous en parler un peu ?

Monja Reichert : Pour l’instant, il n’y en a pas tant que ça, mais au total, depuis que j’ai rejoint le monde de MAKMA, j’ai travaillé sur 25 titres de webtoons, dont certains sont terminés depuis longtemps. D’autres sont en pause et d’autres encore sont en cours. Je m’occupe soit de la traduction, soit de la relecture, soit en partie des adaptations.

Je donne également un coup de main à la plus incroyable créature de notre département DE, notre superviseure Janina Kiko, en évaluant les traducteurs et relecteurs potentiels, via leurs travaux d’essai pour MAKMA.

J’aimerais profiter de l’occasion pour mentionner une fois de plus à quel point l’univers MAKMA est une équipe vraiment formidable et à quel point j’ai aimé travailler avec chaque membre du studio. J’aimerais énumérer tous les noms et dire merci, mais si j’en omettais un par inadvertance, je ne me le pardonnerais jamais.

Une équipe formidable

En tant que freelance, je n’ai jamais vu une telle harmonie au sein d’une équipe, la collaboration entre tant de personnes et de catégories différentes n’a jamais aussi bien fonctionné.

Parfois, j’aimerais pouvoir serrer certains de mes collègues dans mes bras, ce qui ne me serait jamais venu à l’esprit auparavant. Cela vient à mon avis de l’humanité de l’équipe, de l’enthousiasme dont chacun fait preuve ici et de la gentillesse avec laquelle tout le monde communique, même quand on est sous tension. On sent un engagement sans faille de la part de tous, cela émeut et incite à faire preuve d’autant d’enthousiasme et de professionnalisme !

C’est ce que j’ai voulu dire à Edmond Tourriol et Stephan Boschat lorsque j’ai eu l’occasion de les rencontrer brièvement en personne à Bologne cet été, mais qui sait quels mots j’ai mélangés dans mon italo-franco-anglais ?!

Merci Monja d’avoir répondu à nos questions !

L’épopée de Tal’Dorei Campaign Setting Reborn a été une aventure réunissant une équipe multilingue chez MAKMA. Entre rires, challenges, et nuits blanches, cette collaboration exceptionnelle restera gravée dans les mémoires. Encore une preuve de l’harmonie et de l’engagement qui caractérisent l’ambiance du studio MAKMA !