Arnold Petit, relecteur sur Epica (Planète Metal)

Publié le 05 décembre 2023
Arnold Petit, relecteur-correcteur de l'album Epica

Arnold Petit, relecteur-correcteur dans la rédaction de l’ouvrage consacré au groupe Epica pour Planète Metal. Dans cet article, le talentueux traducteur littéraire devenu rédacteur et journaliste cinéma nous parle de son expérience.

Bonjour Arnold. Pour commencer, pourrais-tu nous parler de toi ? 

Arnold Petit : Je suis officiellement Makman depuis 2020. Traducteur littéraire de bande-dessinée depuis maintenant dix ans, je suis aussi rédacteur et journaliste cinéma pour les revues L’Écran Fantastique, Art de cinéma et le site web Superpouvoir. Je suis aussi vidéaste sur la chaîne YouTube « La Grande Hanterie » (cinéma & littérature fantastique) et aussi, ce qui est très à propos, vocaliste metal depuis une vingtaine d’années, actuellement en activité dans le groupe NoT BaD (spooky metal), basé en région parisienne).

Arnold Petit, écrivain pour l'album Epica de Planète Métal
Arnold Petit, relecteur-correcteur pour l’ouvrage dédié au groupe Epica de la collection Planète Métal

Peux-tu nous parler de la collection Planète Metal ?

Arnold Petit : Il s’agit d’une collection de fascicules hardcover produite et distribuée par les équipes de Hachette, présentant à chaque numéro un groupe majeur de la scène metal mondiale – son parcours, ses membres, ses albums incontournables, une discographie complète, des anecdotes… Bien que la revue soit à destination d’un public varié, y compris à l’attention des profanes, les connaisseurs du genre ne seront pas en reste et découvriront un bel objet pour leur collection, richement illustré en belles photos et (oserais-je le dire) des textes pointus sur leurs artistes fétiches.

Quel a été ton rôle sur l’ouvrage dédié au groupe Epica ?

Arnold Petit : Mon rôle pour ce numéro consistait à relire et à corriger le travail rédactionnel de Kévin Veillon. Pas uniquement les fautes d’orthographe, mais aussi la syntaxe, m’assurer que le ton exigé par le client qui a commandé la rédaction soit respecté, et que les informations apportées dans les éléments biographiques soient justes et concis. Le nombre de caractères alloués étant standardisé pour chaque numéro (que le groupe ait une longue carrière ou pas), il fallait réduire les informations superflues, se concentrer sur les périodes charnières de l’artiste sans négliger les autres, éviter les répétitions, etc. Un exercice de jonglerie et de taille de jardinier, comme je l’appelle, pas toujours simple.

Pourquoi Epica ?

Arnold Petit : Pour être franc… je me suis moi-même posé la question (rires). Après ma rédaction du numéro consacré à Rob Zombie, il m’a été proposé de m’occuper de celui-ci ou d’un numéro centré sur les Américains d’Avenged Sevenfold. J’ai dû décliner, car j’étais très accaparé par d’autres projets professionnels à ce moment là, et aussi parce que ce sont deux groupes dont je goûte très peu la musique – l’écriture d’un fascicule aussi précis que Planète Metal demande du temps, de la recherche et d’être critique vis-à-vis de la musique du groupe abordé, je me voyais mal « m’infliger » la totalité de la discographie d’un groupe dont je n’aime pas le son, ce serait contre productif. Il me semblait qu’au milieu d’artistes aussi énormes que AC/DC, Black Sabbath ou Slipknot, et même si la plupart de mes groupes de metal favoris sont originaires d’Europe, les Néerlandais d’Epica faisaient un peu office d’outsiders. Leur carrière est plutôt discrète dans le fond, mais Kévin est parvenu à dénicher des informations intéressantes à leur sujet, dont j’ignorais l’existence. J’avais trouvé leur tout premier album, The Phantom Agony, vraiment sympa à l’époque, je les ai mêmes vus en live à plusieurs reprises, mais j’ai totalement décroché dès le second. Quand on en vient au metal, avec le temps, je suis devenu un brin élitiste, sans pour autant faire le true metalleux. En dehors d’une poignée de groupes fondateurs (Therion, Rhapsody ou Nightwish), le mouvement du metal dit symphonique n’est plus vraiment ma tasse de thé (ou ma chope de bière, c’est selon.)

Était-ce une bonne expérience ?

Arnold Petit : Absolument. Avant d’être rédacteur en cinéma, je faisais de la chronique en amateur sur des webzines consacrés au metal, en particulier pour soutenir la scène française émergente. Écrire des biographies et des critiques d’albums m’était donc une discipline connue – même si j’ai gagné en level depuis. Plancher à ce point sur un artiste réveille d’avantage la passion que tu as pour lui. Analyser son univers et retracer son parcours, c’est comme passer du temps en sa compagnie, comme un chroniqueur en backstage d’une certaine façon. Cela demande de jouer à l’archéologue, de faire des recherches, de compulser des ouvrages et des interviews, prendre des notes… C’est un procédé passionnant, un peu chronophage, et qui demande d’avoir une nuque solide – faire tourner les albums du groupe abordé en boucle pendant le travail rédactionnel peut avoir tendance à te changer en Blanche-Neige metal (headbanger en travaillant, la-la-la…). En outre, j’ai été très heureux lorsque le relecteur qui était chargé de relire mon travail m’a félicité après coup. C’est toujours gratifiant et c’est le signe qu’on a bien bossé.

Quant au travail de relecture sur Epica, j’avoue que je ne m’attendais pas du tout à ce qu’on me le confie. C’était peut-être encore le signe que j’avais pas si mal travaillé sur le précédent. C’est une autre dynamique, qui m’a tout de même demandé de faire quelques recherches sur le groupe en question, pour être certain qu’on ne passait à côté de rien. Mais j’en suis ressorti avec plus de connaissances, et si on me fait confiance, je ne dirais pas non à retenter l’expérience.

Avais-tu déjà travaillé avec Kévin auparavant ? Comment se passe le travail d’équipe ?

Arnold Petit : Nous n’avions jamais travaillé ensemble, même si je crois que nos noms apparaissent sur la traduction du recueil de comics Piracy chez Akileos, il me semble. Une fois la rédaction du fascicule terminé, on me l’envoie. Après une première relecture de surface, j’ai signalé à Kevin en marge de son document les choses à revoir et les informations manquantes, ou quand corriger le ton lorsque cela est nécessaire, toujours dans l’optique de coller aux consignes du client et de conserver un ton très objectif. Ensuite, le document va et vient entre le rédacteur (ici Kévin) et le correcteur (moi-même) jusqu’à ce que le résultat convienne.

Sur quoi d’autre as-tu travaillé ? 

Arnold Petit : Chez MAKMA, je suis avant tout traducteur de comics et de webtoons, c’était donc une autre discipline. Mes centres d’intérêts (comme la musique) sont plutôt connus au sein du studio et j’ai donc pu travailler sur des œuvres souvent en rapport avec ce qui nourrit mes passions personnelles autant que professionnelles – des comics d’épouvante chez Urban Comics (Basketful of Heads / Refrigerator full of heads), chez Akileos (Haunt of Fear, Vault of Horror…) du webtoon (Boyfriend of the dead, La Jacinthe violette…) et du super héros chez DC Comics. J’ai par ailleurs eu la chance et le privilège de traduire la biographie d’un des mes groupes favoris, aux éditions des flammes noires : Moonspell, des loups parmi les hommes. Ce qui était encore une autre petite expérience à ajouter à mon profil de traducteur metal (même si je n’aime pas vraiment les étiquettes).

Tu as également écrit sur Rob Zombie/White Zombie. Quelles étaient les différences d’écriture ?

Arnold Petit : C’était mieux à tout point de vue (rires.) Comme je le disais plus haut, on n’ignore pas chez MAKMA mes centres d’intérêts et mes activités, aussi bien à l’écrit qu’en tant qu’artiste et auditeur de metal. Edmond Tourriol, lui aussi un auditeur et fan du genre, m’a proposé en premier lieu de m’occuper de la rédaction du fascicule consacré à Rob Zombie / White Zombie. Il ne pouvait pas plus me faire plaisir tant toutes les étoiles étaient alignées. Il s’agit d’un artiste que j’adore, que je connais bien ; son univers touche aussi bien à l’horreur old school qu’au cinéma (Zombie est lui même réalisateur). Toutefois, le travail de rédaction n’a pas été inné. Il fallait respecter les consignes de l’éditeur, naturellement ; j’ai bien sûr dû potasser mes vieux grimoires pour retracer son parcours, de vieux magazines, jusqu’à sa biographie traduite en français chez Camion Blanc, éplucher YouTube et des interviews d’époque, me renseigner sur chaque membre passé (et ils sont nombreux).

Étant journaliste pour une revue, le ton objectif de Planète Metal ne m’a posé aucun souci, j’avais le sens de la formule et du dosage. La grosse difficulté résidait dans le fait d’aborder non pas un, mais bien deux groupes en un seul fascicule et sans davantage de caractères alloués, Rob Zombie ayant d’abord officié dans White Zombie (4 albums) avant de lancer sa carrière solo, aujourd’hui forte de sept albums. Presque trente ans de carrière scindés en deux projets, avec autant de changements de line-up chez l’un comme chez l’autre, dont aucun n’est anecdotique. Contrairement à un Black Sabbath ou un Iron Maiden, aux carrières légendaires, mais où les formations n’ont que peu évoluées, cela demandait d’aménager de la place dans le corps du texte pour bien expliquer tout ce que ces changements de compositeurs apportaient comme évolution dans le son de Zombie. Par chance, la section membres permettaient de délester des informations importantes, d’autant qu’il fallait absolument que ces mini biographies ne fassent pas écho à ce qui avait déjà été dit dans le corps principal du texte.
Suite aux bons retours rencontrés en interne par mon travail sur ce fascicule, on m’a demandé de superviser la rédaction de Kévin sur Epica.

Il n’y a pas eu de différence d’écriture en soi, même si Kévin et moi-même n’avons pas la même approche de la rédaction, qui est personnelle à chacun. Le style devait, malgré tout, rester homogène d’une revue à l’autre dans le ton (éviter les petites piques ou le cynisme, souvent présents dans les plumes des rédacteurs metal). Nous avions pour nous orienter les premiers numéros rédigés pour la collection au format PDF, ce qui a constitué un bon point de départ pour nous diriger.

Je reviens sur Epica, es-tu satisfait de ton travail ?

Arnold Petit : Pour ma part, je suis content d’avoir pu toucher à autre chose en devenant correcteur/relecteur le temps d’une revue. Cela m’a permis de développer des skills, de confronter ma méthode à une autre, de me positionner différemment. C’est un peu comme tâter un instrument qu’on n’a pas l’habitude de jouer en groupe. Par exemple, je suis vocaliste avant tout, mais il m’arrive de composer à la guitare ou au clavier. C’était un peu la même idée ici, j’ai dû prendre place derrière un instrument qui n’est, de base, pas le mien, pour assurer les arrangements du morceau. Oui, j’ai aussi le sens de la métaphore, merci de demander (rires).

Aimerais-tu recommencer ?

Arnold Petit : J’adore écrire, c’est une des choses que je préfère au monde, d’autant plus quand il s’agit de partager des sujets qui me passionnent, alors oui, sans aucun doute ! La collection Planète Metal est à cette heure achevée il me semble. Mais si j’avais eu le temps, j’aurais adoré travailler sur les numéros consacrés à Type O Negative, Faith No More, Sepultura ou Deftones, par exemple, voire à des groupes qui n’ont pas été abordés et dont je suis un vrai fan – qu’il y ait eu de la place pour Epica, mais pas Paradise Lost, Dark Tranquillity, Moonspell ou encore Lacuna Coil me paraît tout à fait invraisemblable, mais après tout, je ne suis pas directeur de collection.

En revanche, je trouverais absolument géant qu’une collection similaire soit consacrée au film d’horreur, par exemple. Chaque numéro pourrait retracer un film emblématique ou populaire du genre, et être distribué en kiosque tous les 15 jours, exactement comme Planète Metal. Après tout, les deux univers, metal et horreur, sont souvent concomitants et très populaires l’un comme l’autre, je me dis qu’il y a peut-être de la place pour ça. Edmond, Stephan, si vous me lisez… (rires).

Merci Arnold, d’avoir accepté de répondre à nos questions ! Rendez-vous dans une prochaine traduction de webtoon ou de comics !