Questions sur le métier de traducteur de comics : KGBen répond

Publié le 29 mars 2023
Benjamin Rivière, traducteur de comics, à la soirée MAKMA, lors du FIBD.

Benjamin Rivière, alias KGBen, a récemment répondu à nos questions sur son métier de traducteur de comics. Il travaille à l’adaptation française de nombreuses œuvres américaines très connues du public geek comme X-Men, Suicide Squad ou Harley Queen.

Depuis quand exerces-tu ton métier de traducteur de comics ?

KGBen : J’exerce ce métier depuis environ quinze ans. J’avais fait quelques piges avant ça mais depuis quinze ans, c’est mon activité principale.

Quelles études as-tu suivies ?

KGBen : En ce qui concerne la traduction, je n’ai pas fait d’études. J’étais à l’origine informaticien/électronicien. Métier que je n’ai finalement jamais pratiqué parce que ce n’était pas le monde professionnel dans lequel je souhaitais évoluer.

Quel genre de traduction pratiques-tu ?

KGBen : Je traduis essentiellement des comic books américains. Il y a d’une part toutes les séries de super-héros telles que les X-Men ou Batman, mais aussi pas mal de titres dits indépendants comme Punk Rock Jesus, Deadly Class, Jupiter’s Legacy ou Sweet Tooth.

Quel est ton lieu de travail ?

KGBen : Je travaille chez moi, généralement dans mon bureau.

As-tu des horaires particuliers ?

KGBen : Quand j’étais plus jeune, j’aimais travailler la nuit. Mais depuis que je suis père de famille, c’est beaucoup plus compliqué et j’ai dû m’adapter. Je travaille aujourd’hui essentiellement la journée. J’ai presque des horaires de bureau en fait. Même si, pour les projets annexes, les commandes urgentes et mon activité complémentaire dans le journalisme musical, je déborde sur la soirée. Je travaille également le week-end, mais seulement quelques heures.

 

Benjamin Rivière alias KGben lors de l'inauguration du Studio 11 à Angoulême. Son métier : traducteur de comics.
Benjamin Rivière – KGBen – lors de l’inauguration du Studio 11 à Angoulême.

 

À quoi ressemble une journée de travail dans le cadre de ton métier ?

KGBen : Ce sont plutôt des cycles d’une dizaine de jours. La plupart des livres que je traduis sont constitués d’environ 150 pages de BD. Je mets environ 5 jours à faire la traduction brute. Parfois moins. Rarement davantage. Après avoir laissé reposer une journée (ou plus, suivant la date butoir), je relis et réécris. Je laisse encore passer au moins deux jours et je relis à nouveau. Le jour de la date butoir, je refais une dernière passe dessus. Entre deux, j’ai généralement attaqué une autre traduction. Le reste de la journée pro est rythmée par les e-mails et les diverses sollicitations professionnelles. Ce sont finalement des journées de travail assez classiques.

Y a-t-il des contraintes particulières dans le métier de traducteur de comics ?

KGBen : Il y a déjà celle de travailler seul chez soi. Beaucoup me disent qu’ils ne parviendraient pas à se motiver ainsi. Ensuite, on n’a pas de salaire fixe. Pour être payé, il faut rendre le boulot. Question motivation, ça suffit largement. Et puis, avec les années, ça devient un automatisme. Surtout que, même lorsqu’on a un creux dans le planning, il y a toujours quelque chose à faire. Prospecter, se documenter, se lancer dans de nouveaux projets… L’autre principale contrainte, c’est le côté un peu irrégulier. J’ai la chance de travailler, entre autres, sur des publications mensuelles, donc très régulières, mais on reste dépendants des commandes, des plannings éditoriaux… Prendre des vacances peut vraiment être compliqué. À certains moments de l’année, on croule sous le travail. D’autres fois, on n’en a pas assez et c’est assez difficile à anticiper.

Et des avantages particuliers  ?

KGBen : Celui de travailler seul chez soi, haha. Sinon, comme pour tous les boulots en free-lance, il y a une certaine liberté. Personne au-dessus de votre épaule qui vient voir ce que vous faites, et la possibilité de gérer son temps à peu près comme on le souhaite. À condition d’avoir pris de l’avance et d’avoir été sérieux en amont, on peut s’accorder un day off quand on veut. Il y a aussi le fait de ne pas perdre de temps autour du travail. Pas de réunions interminables, de trajets en voiture dans les bouchons, de pertes de temps exaspérantes. Je peux passer en dix secondes du petit déjeuner à mon activité pro si j’en ai envie.

Mais l’essentiel et le principal, c’est la passion pour la fiction. Écrire des dialogues pour des personnages qu’on aime, retranscrire la vision d’auteurs qu’on admire et se plonger tous les jours dans des imaginaires variés et riches, c’est génial. Franchement, quand on est passionné de fiction en général et de comics en particulier, ça ressemble pas mal à un métier de rêve. Ce n’est pas rose tous les jours, loin de là, mais globalement, c’est génial.

Le métier de traducteur de comics requiert-il des compétences particulières ?

KGBen : J’imagine que oui. Comprendre parfaitement la langue d’origine est évidemment un prérequis mais c’est loin de suffire. Il faut « sentir » les choses, être capable de retranscrire ce qu’a écrit l’auteur comme s’il l’avait fait en français. Et pour ça, il faut devenir auteur soi-même. Le plus difficile, surtout au début, c’est d’avoir suffisamment confiance pour trahir le texte afin de mieux le retranscrire. Traduire n’est pas si difficile, des algorithmes peuvent le faire. C’est adapter qui fait toute la différence. Un jeu de mots peut vous pousser à changer et réécrire les dialogues d’une page entière. Garder en tête qu’il faut rester fidèle aux intentions de la VO et pas à ses mots, c’est la clé.

L’autre compétence essentielle pour durer, c’est d’avoir une certaine rigueur. Si vous vous lancez dans une trad à deux jours de la date butoir en travaillant 18 heures sur 24, vous allez peut-être faire du bon boulot une fois, deux fois, mais ça finira par coincer. Prendre de l’avance, s’en tenir à son planning, ce n’est peut-être pas très marrant, mais ça permet d’être régulier. Enfin, il faut aussi savoir rester à sa place. Je ne suis QUE traducteur, pas coauteur des BD que je traduis. Et moins on remarque un traducteur, mieux c’est, car c’est un métier par nature ingrat. Une bonne traduction est invisible. Une mauvaise, on ne voit que ça.

Le métier est-il comme ce que tu l’avais imaginé ?

KGBen : Absolument. J’avais des amis traducteurs avant d’en faire mon activité principale donc c’est à peu près comme je l’avais imaginé. Même si le métier a évolué depuis mes débuts. Il y a moins de délai aujourd’hui entre les publications en VO et en VF donc il faut être très rapide et réactif. Tout s’est numérisé aussi et, faute de meilleur terme, industrialisé. Il y a bien plus de normes et de process à respecter qu’avant sur la forme. Mais dans le fond, le métier n’a pas changé et est resté conforme à l’idée que j’en avais.

Merci KGBen d’avoir accepté de répondre à nos questions. Au plaisir de te lire dans tes futures traductions !