Hani Khalil, directeur artistique chez Kippon Dream

Publié le 09 mars 2024
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Lettreur chez MAKMA, Hani Khalil apporte son énergie créative à Kippon Dream depuis 2021. Découvrez son parcours, ses défis et son rôle au sein de cette maison d’édition française indépendante spécialisée dans le manga.

Bonjour Hani, comment es-tu rentré chez Kippon Dream ?

Hani Khalil : Bonjour ! Alors, l’histoire est assez simple : un soir de juillet 2021, je suis tombé sur une campagne de recrutement de leur part sur Twitter. Le collectif cherchait un graphiste/maquettiste pour les aider. J’avais déjà de l’expérience dans ce domaine grâce à mes missions chez MAKMA, et j’appréciais bien leurs valeurs. J’ai donc postulé et j’ai été pris le lendemain.

Quel est ton rôle chez eux ? En quoi ça consiste ?

Hani Khalil : J’ai commencé en tant que maquettiste. Mon rôle était d’assembler les différents fichiers (planche, inter-chapitres, etc.) pour créer la maquette du tome relié. En plus de cela, j’étais aussi responsable de la mise en page du magazine de préparation en ligne. Je devais organiser les articles et les chapitres des différents mangas pour créer un ensemble cohérent, puis tout déposer sur un site de lecture en ligne de mangas indépendants.

Entre-temps, j’ai été nommé directeur artistique de la maison d’édition. Je dois maintenant, en plus de tout le reste, m’occuper de la refonte graphique du KD (nouveau logo et nouvelle identité visuelle), ainsi que de la cohérence graphique de notre collection de mangas papier.

Quels sont les aspects les plus gratifiants de ce domaine, et qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

Hani Khalil : J’adore travailler directement avec les auteurs et faire partie du processus créatif. Discuter directement avec eux permet d’avoir une autre vision de la création d’une œuvre. N’ayant pas le niveau nécessaire en dessin pour créer mon propre manga, j’ai toujours voulu contribuer à cet univers en général. Grâce aux compétences que j’ai acquises, c’était possible. Poser un livre contenant son nom sur une étagère est extrêmement gratifiant !

Quels défis as-tu déjà rencontré ?

Hani Khalil : Mon principal défi était qu’à la base, je n’avais jamais conçu une maquette de A à Z, et encore moins pour un manga. Ce fut très intéressant de me renseigner sur les différentes techniques d’impression, de tramage et de couleur, car c’était complètement différent des comics et des webtoons que j’avais réalisés par le passé. J’ai connu plusieurs échecs avec mes prototypes, ce qui m’a parfois démoralisé. Cependant, ces expériences étaient nécessaires pour faire évoluer mes compétences. Mon nouveau rôle de directeur artistique me mettait également sous une nouvelle pression psychologique. Je n’avais jamais eu autant de responsabilités sur les épaules, et j’ai plus d’une fois ressenti un syndrome de l’imposteur à ce sujet. Finalement j’ai pu compter sur mes collègues pour m’aider à prendre confiance en moi et en mes compétences.

Quels sont les tendances actuelles dans l’industrie du manga et comment votre maison d’édition s’adapte-t-elle à ces évolutions ?

Hani Khalil : À ma connaissance il n’existe que très peu de maisons d’édition consacrées exclusivement à la création de mangas français. Ankama est une des seules grosses structures à exclusivement produire des mangas français en interne. La majorité des maisons d’édition françaises se consacre plutôt au rachat des droits de mangas japonais pour les sortir en France.

Depuis quelques années, on voit émerger une nouvelle vague de projets francophones très prometteurs (Space Punch, Ripper, Horion etc..). Cette nouvelle mouvance a sans doute été poussée par les succès de Dreamland et Radiant quelques années auparavant, mais les maisons d’édition restent très frileuses au sujet de la création française, et les projets souffrent souvent d’un manque de communication et de budget de la part de leur éditeur, ce qui les empêche de s’exporter davantage. Les projets se retrouvent donc engloutis sous une masse d’autres mangas japonais qui sortent chaque semaine dans les librairies.

L’autre problème avec le marché est que les lecteurs francophones sont relativement sceptiques vis-à-vis de la création française. Pour une bonne partie d’entre eux, un manga doit être japonais alors qu’il est plutôt caractérisé par son format, sa narration et son découpage plutôt qu’à sa nationalité. Chez Kippon Dream nous essayons de casser cette image en montrant que nous avons toujours eu des très grands talents français qui seront capables de rivaliser avec la qualité japonaise à l’avenir, s’ils sont bien accompagnés et promus. Bien sûr le chemin sera long, mais j’ai bon espoir que l’image que les lecteurs ont du manga français changera avec les années.

Peux-tu partager une expérience ou un projet particulièrement marquant sur lequel tu as eu l’occasion de travailler ?

Hani Khalil : Nous avons terminé la campagne de financement participatif de notre plus gros projet à ce jour. Pour fêter les 10 ans du collectif nous avons décidé de regrouper 10 mangakas francophones, qu’ils soient du KD ou non, pour créer un magazine au format d’un JUMP japonais comprenant 10 histoires courtes. Certains des auteurs présents ont déjà eu des séries publiées par de grands éditeurs par le passé, ou ont une certaine notoriété dans le milieu du manga indépendant.

Le but de cet immense projet est dans un premier temps de fêter la longévité de Kippon Dream mais également de promouvoir les talents un peu moins connus du manga français. Gérer un projet avec autant de monde n’est pas chose facile mais il pourrait devenir l’un des projets les plus ambitieux du milieu français indépendant !

Selon toi, quel lien relie Kippon Dream et MAKMA ?

Hani Khalil : Selon moi ce qui relie Kippon Dream et MAKMA c’est qu’ils encouragent tous les deux la création d’œuvres francophones en regroupant plusieurs artistes dans une structure qui les aide et les encadre.

 

Image promotionnelle de la campagne de financement participatif Kippon Dream
Image promotionnelle de la campagne de financement participatif Kippon Dream.

 

Comment envisages-tu l’avenir de l’édition de mangas, en particulier en ce qui concerne les évolutions technologiques et les changements de comportement des lecteurs ?

Hani Khalil : Nous avons conscience que les lecteurs lisent de plus en plus de mangas en ligne notamment grâce à l’arrivée de sites de lecture comme mangas.io ou Manga plus. Nous avons toujours proposé nos magazines au format numérique pour qu’ils puissent être diffusés au plus grand nombre.
Les sites de lecture en ligne vont sans doute se multiplier mais je pense que les lecteurs français sont profondément attachés au format papier.

Parmi les titres sur lesquels MAKMA intervient au niveau de la localisation, quels sont ceux qui ont le plus retenu ton attention ?

Hani Khalil : Je m’intéresse beaucoup aux webtoons, j’en lisais avant même de travailler pour MAKMA. Je lis plusieurs séries Naver comme Viral hit et Héros fragile par exemple (deux séries dont je m’occupe du lettrage). Mais je m’intéresse aussi aux comics (Invincible et certain Marvel entre autres) ou même à des projets de printoonisation.

Merci beaucoup Hani pour le partage de ton expérience chez Kippon Dream !

Hani Khalil incarne le dynamisme de la scène manga francophone. Du lettrage chez MAKMA à son rôle de directeur artistique chez Kippon Dream, son expérience offre un regard privilégié sur l’évolution et les défis de l’édition manga en France.