Arnold Petit : dans les coulisses de la traduction de Frankenstein

Publié le 28 octobre 2025

Traducteur, auteur et passionné de culture horrifique, Arnold Petit signe pour Urban Comics la traduction française de Frankenstein, adaptation en bande dessinée du classique de James Whale revisitée par Michael Walsh. Après L’Étrange Créature du lac noir vit toujours, il renoue avec les Universal Monsters pour une œuvre à la croisée du gothique, du romantisme macabre et de la tragédie humaine. Entre sa postface émouvante, sa passion pour l’horreur qu’il explore aussi dans son webnovel Zombis contre Zombis (Flibusk) et sur sa chaîne YouTube La Grande Hanterie, Arnold nous ouvre ici les portes de son univers.

L’appel du monstre : entre passion et identité

Dans cette première partie, Arnold Petit revient sur la genèse de la traduction de Frankenstein et sur le lien intime qu’il entretient avec le monstre, à la fois miroir personnel et figure universelle.

Tu signes la traduction française du nouveau Frankenstein de Michael Walsh, publié chez Urban Comics. Comment t’es-tu retrouvé sur ce projet, et qu’as-tu ressenti en découvrant que tu allais prêter ta plume à une œuvre aussi mythique ?

Arnold Petit : C’est Thierry Fraysse (éditeur chez Urban Comics et fondateur des éditions Calidor) qui m’a contacté pour me proposer cette belle opportunité. Ayant déjà signé la traduction et la postface de L’Étrange Créature du lac noir vit toujours l’an dernier, il semble m’avoir fait confiance pour remettre le couvert sur ce volume unique en son genre – et ce n’est pas moi qui m’en plaindrait !

Très tôt, j’ai témoigné mon intérêt pour la série des Universal Monsters. Je connais bien l’historique des créatures légendaires du studio, ainsi que leurs sources littéraires avec lesquelles j’ai grandi (et continue de grandir en un sens). Savoir que j’allais toucher du doigt un mythe aussi important que Frankenstein, qui m’est plus cher que bien d’autres histoires, qu’il s’agisse du roman ou des films, a été hautement galvanisant, si j’ose dire. J’étais extatique.

Dans ton post LinkedIn, tu écris que « le monstre de Frankenstein est ton ami intime ». Peux-tu nous en dire plus sur cette relation personnelle ? Qu’est-ce que cette figure représente pour toi, au-delà du mythe ?

Arnold Petit : Voilà une question à laquelle il va être difficile de répondre sans se livrer un peu 🙂

Le monstre est depuis très longtemps une sorte de compagnon pour moi. Il incarne à mes yeux la parfaite imperfection – ce que nous sommes peut-être toutes et tous de manière générale en tant qu’êtres humains. Je l’ai avant tout connu sous les traits de Boris Karloff, dans le film de James Whale dont la BD de Michael Walsh s’inspire en premier lieu. C’était évidemment bien avant que le roman de Mary Shelley me soit accessible. Là où il se montre plus prolixe et philosophe dans le livre, le monstre est dans le film une figure de paria muet, qui véhicule beaucoup d’émotions par le seul biais de son regard, de ses gestes, de son maintien… mais que personne ne semble saisir ou comprendre. On le craint et le chasse pour sa difformité, sa non-conformité généralisée. Sans oublier qu’il s’agit en réalité d’un petit garçon sans repaire, ce qui me touche beaucoup, ayant moi-même conservé mon âme d’enfant.

Le monstre cristallise, de fait, beaucoup de choses qui me correspondent. Je me suis toujours perçu moi-même comme un anti conformiste, peut-être gentiment solitaire aussi, ce que nos métiers encouragent forcément un peu ; j’évolue dans un milieu alternatif, je ne suis pas non plus conforme physiquement à ce que la société prône comme « acceptable. » Mon profil est atypique sur plusieurs niveaux. Je me suis souvent perçu par le regard des autres, puis le mien, comme une figure d’altérité, ce que j’assume pleinement et avec fierté, d’ailleurs.

Arnold Petit

Après avoir lu le roman (assez tard, finalement), j’ai découvert une autre facette plus profonde du monstre et qui n’a fait que renforcer l’empathie que j’avais pour lui. Très jeune, j’ai été confronté à la religion. Si je suis aujourd’hui un athée et anti-clérical patenté, je dispose de mon petit bagage éducatif religieux. Je me souviens d’avoir été très concerné par l’idée qu’un dieu unique nous avait créés, sans qu’on l’ait demandé, certains naissant avec moins d’atouts que d’autres pour faire face à la vie, de façon plus au moins arbitraire. J’ai cherché beaucoup de réponses dans les dogmes, les écrits, la morale ou les préceptes sans jamais m’y retrouver, jusqu’à même éprouver une certaine « haine de Dieu » et du créateur, qui fait évidemment partie intégrante du mythe de Frankenstein.

Comme le monstre qui est esclave de ses émotions, il m’est arrivé comme beaucoup d’êtres humains d’obéir davantage à ce que dicte le cœur qu’à ce que dicte le cerveau. Au cours de notre existence, nous sommes toutes et tous susceptibles d’être sujets à l’amour et à la colère. Et en ce sens aussi, je crois qu’il est plus proche de nous que bien plus de créatures du bestiaire fantastique, qu’elles soient classiques ou non. En définitive, je suis un amalgame de bien des choses, de vécus et de sentiments, d’éléments épars qui font que je suis cette personne-là aujourd’hui 🙂 Un peu comme le monstre, finalement. Que je me sente bien ou mal, je peux y voir un miroir réconfortant qui m’aide à avancer.

Frankenstein / Dieu nous a voulus à son image, et bien qu’il ne l’ait pas anticipé comme ça, c’est nous qu’il a obtenu.

L’horreur selon Arnold Petit : une passion née avant la traduction de Frankenstein

La passion d’Arnold Petit pour les monstres et les mythes horrifiques nourrit directement sa traduction de Frankenstein. En tant qu’amoureux du genre, il ne se contente pas de transposer un texte : il en restitue l’essence, les ombres et la musicalité gothique.

Tu es connu comme un grand passionné du genre horrifique, que ce soit à travers ton webnovel Zombis contre Zombis publié chez Flibusk, ou sur ta chaîne YouTube, La Grande Hanterie, dédiée à l’horreur. D’où vient cette fascination pour les monstres, les morts-vivants et les univers sombres ?

Arnold Petit : Je peinerais vraiment à trouver une réponse précise à cette question, même si on me l’a souvent posée. Ma psy aurait peut-être sa petite idée sur la question, d’ailleurs…

Au-delà du fait que c’est un genre connu pour sa dimension cathartique, je dirais que j’ai grandi avec des grands frères dans les années 1980, à l’époque où l’horreur explosait de partout et avait intégré tout un pan de la culture pop. On la trouvait dans les vidéo-clubs, à la télé, sur les couvertures des magazines… On pouvait le voir dans des clips musicaux, comme l’immanquable Thriller de Michael Jackson. Il y avait un véritable côté transgressif à l’horreur pour les plus jeunes, et mes frangins étant plus âgés, ils ont biberonné ces trucs-là, quitte à ce que ça se retrouve devant mes yeux sans que je l’ai demandé – les petits frères sont curieux, après tout !

J’ai donc évolué très tôt dans une imagerie de livres de contes, d’esthétique gothique via les premiers jeux vidéo type Castlevania, les Livres dont vous êtes le Héros, les comics, les couvertures de Stephen King que toute ma famille lisait à la maison, les jeux de plateau et, bien sûr, les films… Tout s’est mélangé pour dépeindre un univers très sombre, qui se mêlait souvent à des produits plus enfantins. Que ce soit Taram et le Chaudron Magique chez Disney, les productions Spielberg type Gremlins, les SOS Fantômes… La peur tutoyait vraiment les produits de masse à un degré inédit, et je pense que beaucoup de gens de ma génération ont connu cette alchimie qui découle sur cette fascination-là. D’autant que nos parents étaient assez permissifs sur les divertissements – peut-être plus qu’ils n’auraient dû dans mon cas, les cauchemars ont été très récurrents dans la petite enfance.

D’un autre côté, j’étais un enfant avec des soucis de santé assez lourds, et je crois qu’inconsciemment, la possibilité d’un monstre sous mon lit était devenue plus rassurante qu’un nouveau séjour à l’hôpital ! Mais c’est avec l’adolescence que j’ai vraiment saisi la portée sociale et politique des œuvres. Et l’épouvante m’est apparu au fil des lectures comme le plus parfait miroir de ce qui déconne chez nous et dans nos sociétés. C’est encore le genre le plus pertinent qui existe selon moi. Raison aussi pour laquelle on continue d’en produire et qu’il s’adapte aussi bien à chaque époque et chaque problématique du moment.

Traduction et horreur : l’approche d’Arnold Petit sur Frankenstein

Dans cette partie, Arnold Petit nous montre à quel point la traduction de Frankenstein repose sur la nuance et la fidélité émotionnelle. Plus qu’un simple travail linguistique, il s’agit d’un acte de re-création, respectueux de la matière cinématographique et littéraire.

En tant que traducteur, comment abordes-tu un texte aussi chargé d’histoire et de symboles que Frankenstein ? Y a-t-il eu des passages particulièrement complexes à restituer en français ?

Arnold Petit : C’est avant tout au film de Whale que Michael Walsh fait référence dans son Frankenstein. C’est donc à celui-ci que je me suis référé avant toute chose, tout en gardant en tête toute la bio-diégèse du mythe de Frankenstein, qui est tout bonnement colossale entre ses multiples adaptations et réinterprétations. J’ai pensé aux versions traduites, doublées, conservé la tonalité gothique d’époque voulue par cette histoire dans ses dialogues. Mais je connaissais aussi bien assez les personnages du film, son déroulé et sa dynamique pour ne jamais en trahir l’essence – je pourrais presque le réciter à la réplique près.

Thierry Fraysse et moi-même ne sommes revenus que sur le fameux « It’s Alive ! » qui est l’une des répliques les plus cultes du 7ème Art. Un peu comme pour la tirade sur les enfants de la nuit dans Dracula, elle a été maintes fois reprise et traduite sous diverses formes et intensités, avec d’autres musicalités – comme quoi, deux simples mots peuvent être très chargés. J’en avais proposé une version, puis nous sommes revenus à quelque chose de plus classique. J’ai eu mes doutes sur la suite également, très forte : « I know now how it feels like to be God » où je ne voulais pas me louper tant la réplique est porteuse de sens et ici lettrée sur une case bien spécifique. Michael Walsh a très bien su user des tirades cultes du film de Whale et on sent qu’il en est fan, ce qui est très appréciable.

Extrait de Frankenstein (Urban Comics) traduit par Arnold Petit

Tu as déjà écrit et scénarisé tes propres récits horrifiques. En quoi ton expérience d’auteur influence-t-elle ta manière de traduire les œuvres des autres ?

Arnold Petit : En vérité, je n’en ai pas écrit tant que ça… pour le moment 🙂

Mon expérience en écrit de fiction étant encore modeste, je pense manquer d’un brin de recul pour analyser en quoi mon approche écrite d’une fiction pourrait avoir une influence sur ma façon de traduire. Ceci étant dit, en ce qui concerne mon travail, je pense que c’est avant tout mon expérience de lecteur qui fait office d’influence (un terme que je n’apprécie pas spécialement). Connaissant les mécaniques de l’écrit, tout en disposant un peu des miennes acquises avec le temps, je pioche aussi dans l’expérience que je peux avoir d’un genre, qu’elle m’ait été dictée par un livre, un film, un documentaire, ou même du théâtre ou de l’écriture de paroles en musique.

Je cherche à respecter la musicalité propre au genre (l’épouvante gothique chez Frankenstein), telle qu’on la connaît dans notre langue cible, que je traduis tout en respectant celle qui est propre à la langue source de l’auteur ou de l’autrice. C’est ce qu’il y a aussi de passionnant dans cette collection Universal Monsters, et tout particulièrement ce volume-ci : nous sommes à la confluence de divers médias, entre cinéma, littérature et bande dessinée. Et prendre un peu de chacune des émotions propres à ces modèles constitue au final un objet assez unique à écrire et adapter. C’est assez grisant.

Couverture du webnovel Zombis VS Zombis
Couverture du webnovel : Zombis contre Zombis

Tu signes également la postface de l’album. Quelle tonalité as-tu voulu lui donner, et que souhaitais-tu transmettre aux lecteurs à travers ce texte personnel ?

Arnold Petit : Je pense avoir rédigé cette postface dans la perspective de transmettre d’abord l’historique des premières adaptations de Frankenstein, qui d’un roman foisonnant et complexe, est devenu une fable sur la peur, la différence et l’intolérance, en passant par un objet de pop culture récupérable à merci.

L’histoire des coulisses de Frankenstein, de ce qui a amené à ce que ce récit devienne ce pan d’inconscient collectif dans nos sociétés et nos esprits, est quelque chose de passionnant. De bien des manières, et sans vouloir choquer les érudits, c’est surtout le film de Whale, plus que le roman de Shelley, qui a participé à cela. Que ce soit en tant que fan ou traducteur, j’ai à cœur de faire office de « passeur » sur les sujets qui me passionnent et que j’estime ne pas être tout à fait stupides.

L’idée était aussi de souligner avec quelle ironie le mythe fondateur a été déconstruit en morceaux pour être refaçonné d’une autre manière, à l’instar des travaux entourant la créature – parallèle que je trouve très amusant. J’ai aussi rédigé cette postface de façon très crue, traversant à ce moment-là une période un peu délicate. Être en compagnie du monstre m’a apporté beaucoup de soutien à ce moment-là. J’ignore si cela se sent à la lecture, mais je ne voulais pas que l’on oublie la dimension profondément empathique de cette histoire, dimension que Michael Walsh a formidablement saisie et respectée, qui plus est. Raison pour laquelle j’ai tenu à ouvrir la postface sur une réplique du biopic Mary Shelley, qui m’avait énormément marqué à l’époque, et qui rappelle en substance toute l’universalité du message véhiculé par le monstre de Frankenstein.

L’album évoque le destin des membres et organes qui composent la créature, un point rarement exploré. Comment cette idée t’a-t-elle marqué à la lecture ?

Arnold Petit : Je connaissais le concept avant de m’attaquer à la lecture et je le trouve tout à fait brillant. Il m’a même fallu le relire pour assembler toutes les pièces, le canevas pouvant sembler être un peu décousu par endroits. J’ai particulièrement aimé toutes les justifications apportées à chacune de ses parties et la façon dont elles vont ressurgir sur le monstre – qui n’apparaît finalement que très peu dans l’histoire, presque en filigrane.

Ce qui m’a le plus marqué lors de cette lecture, étant fan moi-même du film de Whale, c’est la manière dont Walsh est parvenu à tisser son récit dans les fibres mêmes du scénario du long-métrage, sans jamais le dénaturer. Comme s’il avait pratiqué une autopsie personnelle pour y insérer lui-même ces « organes narratifs ». On peut voir le film, puis lire la BD derrière et ne jamais rien remettre en question en ce qui concerne l’intégrité du récit. Même en ajoutant de nouveaux arcs et personnages, rien de ce qui figure dans le film n’est déconstruit, preuve d’une grande force de narration, et que tout a été mûrement réfléchi.

J’aime ce respect apporté à l’œuvre de base, tout en se l’accaparant. Le troisième chapitre, contant comment le cœur de l’amant éconduit d’Elizabeth va finir par intégrer la créature, m’a tout particulièrement ému. J’adore quand l’Éros rencontre le Thanatos. C’est l’essence même du macabre gothique et de sa dimension poétique.

Vivre et célébrer l’horreur

Chez Arnold Petit, la traduction de Frankenstein s’inscrit dans une continuité de vie : celle d’un amoureux des monstres, d’un artisan des mots et d’un explorateur de la peur.

Le mois d’octobre et Halloween sont le moment parfait pour cette sortie. Toi qui vis et respires l’horreur toute l’année, as-tu des rituels particuliers à cette période ?

Arnold Petit : Des tas (rires) !

Étant né un 1er octobre, je suis un pur enfant de la saison. Halloween et même l’automne de manière générale sont pour moi la plus belle et excitante période de l’année. Parmi les activités immanquables pour moi se trouve en premier lieu… le fait de sortir, tout simplement. De faire des promenades en forêt, pour profiter des couleurs de la saison, du parfum si spécifique qui règne à ce moment-là dans la nature ou à l’extérieur – encore plus prégnant à la nuit tombée. J’aime me plonger dans des lectures thématiques – des recueils d’histoires fantastiques, tout particulièrement –, écouter de la musique en rapport avec la fête, préparer des playlists… et, bien évidemment, visionner le plus de films d’épouvante possible, même certains classiques que j’aime revoir spécifiquement lors de cette période.

J’adore aussi profiter de mes sorties pour déguster un pumpkin spice latte (boisson classique et réconfortante), flâner dans les librairies au rayon fantastique, visiter les boutiques de farces et attrapes, de costumes et, bien sûr, préparer mon propre déguisement pour le 31 octobre et creuser une citrouille. Toutes ces petites traditions tiennent beaucoup d’une certaine connexion spirituelle entre la nature et mon âme d’enfant. J’ai toujours beaucoup tenu à les préserver.

Arnold Petit pour Halloween
Arnold Petit et la citrouille qu’il a creusée au début de l’automne pour célébrer le mois de l’horreur

Enfin, si tu devais recommander trois œuvres d’horreur incontournables (livres, films ou BD) à ceux qui voudraient prolonger cette ambiance gothique après Frankenstein, lesquelles choisirais-tu ?

Arnold Petit : Voilà encore une question bien compliquée, et surtout cruelle tant les choix sont difficiles à faire.

En premier lieu, pour le cinéma et pour rester dans le thème qui nous occupe ici, je recommanderais à tout le monde de visionner ou revisionner la version de Frankenstein réalisée par Kenneth Branagh et produite par Francis Ford Coppola dans la lignée de son Dracula, datant de 1994 : c’est très proche du roman de Mary Shelley, la prestation de Robert de Niro en créature est tout bonnement bouleversante ; c’est sanglant, poétique, cruel, gothique en diable… Ampoulé et épique comme le veut l’égo habituel de son auteur, mais tellement réjouissant que je ne saurais que trop rappeler qu’il faut avoir vécu ce visionnage.

En bande dessinée, je pose ma recommandation sur le volume Docteur Jekyll et Mister Hyde : le docteur et l’assassin paru chez Glénat, une version librement revue du mythe de Robert Louis Stevenson par Marco Cannavo et Corrado Roi. Le célèbre savant et son double maléfique, présentés sous un jour plus complice et macabre que jamais, se retrouvent en proie à Jack l’éventreur, qui a de quoi leur tenir la dragée haute en matière de massacre. Noir et banc stylisé, ambiance londonienne brumeuse à souhait, décors expressionnistes et récit plein d’érotisme et de violence font de cette version un immanquable absolu.

Enfin, en littérature, je ne peux que revenir sur le classique du roman noir qu’est Le Moine de Matthew Lewis, récit fondateur du gothique centré sur les déboires d’un homme d’église concupiscent signant un pacte faustien afin d’obtenir la femme qu’il convoite… ce qui n’ira pas sans de terribles conséquences, cela va de soi. Une plume d’une beauté fascinante, des individus dont la perversité le dispute à la vertu la plus totale, un éternel combat moral au milieu des vieilles pierres d’un monastère et jusqu’au fond des cryptes les plus sordides, avec un fond de fantastique. Un roman toujours aussi choquant et transgressif malgré ses deux siècles passés.

Je me permets de citer en bonus le film Mary Reilly (1995) de Stephen Frears, une relecture intime et brumeuse du mythe de Jekyll et Hyde, à redécouvrir de toute urgence.

Arnold Petit, passeur du mythe et de l’émotion dans sa traduction de Frankenstein

Avec sa plume passionnée et son œil d’expert, Arnold Petit rend un hommage vibrant à la créature de Mary Shelley, au film de James Whale et à tout un pan du cinéma d’épouvante. Cette traduction de Frankenstein chez Urban Comics par Arnold Petit, accompagnée d’une postface sensible et érudite, témoigne d’une double maîtrise : celle des mots, et celle du mythe.

Mais au-delà du traducteur, c’est l’homme derrière les mots que révèle cette œuvre. Dans cet entretien avec Arnold Petit sur sa traduction de Frankenstein, on découvre un créateur habité par sa matière, un passeur d’histoires qui fait dialoguer littérature, cinéma et bande dessinée. Son travail s’inscrit dans une démarche de transmission : faire vivre les monstres, non pour effrayer, mais pour rappeler ce qu’ils disent de nous.

Un album à découvrir sans tarder, à la croisée du romantisme noir et de la tragédie humaine, pour (re)découvrir sous un nouveau jour l’un des monstres les plus humains de la littérature et du cinéma.