Le Monde Sauvage de Conan : packaging BD

Publié le 20 mai 2019

Le Monde Sauvage de Conan est publié par Hachette Collections. C’est le studio MAKMA qui réalise le packaging BD de la série. En quoi consiste le packaging BD ? Eh bien, il s’agit d’encadrer plusieurs missions éditoriales afin de fournir à l’éditeur final un fichier prêt à imprimer que ce dernier va pouvoir remettre à son service fabrication. Par exemple, sur la collection Le Monde Sauvage de Conan, nous récupérons de la part de Panini les vieux épisodes de Savage Sword of Conan déjà traduits et lettrés chez eux auparavant, ainsi que des textes rédactionnels inédits que nous devons traduire de l’anglais vers le français. Nous devons, maquetter l’ouvrage, assurer la correction orthographique des anciens épisodes, intégrer ces corrections à la nouvelle maquette, puis assurer le suivi à chaque étape auprès de l’éditeur.

Sur Le Monde Sauvage de Conan, nous travaillons essentiellement avec cinq Makmen : Camille Gardeil, traducteur du rédactionnel, Cyril Bouquet, lettreur maquettiste, Cyril Durr, relecteur-correcteur, sous la supervision d’Edmond Tourriol et Stephan Boschat. Nous avons posé quelques questions à notre équipe à propos de cette mission d’adaptation VF de longue haleine.

Le monde sauvage de Conan
© Conan Properties International ; © Hachette Collections

Camille Gardeil traduit le rédactionnel de Conan

Camille, c’est toi qui t’occupes de la traduction du rédactionnel de cette collection. Que penses-tu de Conan ?

Camille Gardeil : En tant que première œuvre du genre épée et sorcellerie, Conan est clairement un monument, d’abord de la littérature fantastique, mais également des univers d’heroic fantasy et de la pop culture en général. Pour avoir lu les nouvelles originales de Robert E. Howard avant de m’attaquer à la traduction de ces rédactionnels, je n’ai pas pu m’empêcher de penser plusieurs fois « c’est vraiment cliché, ces histoires ! », puis je me suis dit que c’était un peu normal, vu que Howard est un pionnier du genre ! Entre ça et le livre sur Tolkien sur lequel je travaille actuellement, je touche aux fondations des univers geek que j’adore !

D’après toi, le personnage de Robert E. Howard mérite-t-il le sobriquet de Conan le Barbare ?

Camille Gardeil : Oui et non. D’abord oui parce que quand, même, le type se balade la plupart du temps en bottes et en slip de fourrure ! Pas très civilisé, tout ça ! Blague à part, la « barbarie » de Conan transpire dans son aversion pour la civilisation et tous ses travers. Il ne s’épanouit que quand il a entre les mains son épée, une bonne cruche de vin ou une jolie femme. L’argent ne lui importe que s’il lui permet d’obtenir ces trois choses. Et s’il ne peut se les acheter, il les trouve au fil de ses aventures dans des terres sauvages ou dans des cités désertes et maudites. Loin de la civilisation.

Mais Conan présente des côtés qui ne correspondent pas à son aspect sauvage, mais découlent de sa haine pour les travers de la civilisation : il a un code d’honneur très strict, ne tue pas sans nécessité (même s’il n’est pas avare en baffes monumentales) et se refuse catégoriquement à se rendre coupable de viol (mais n’en a pas moins les mains un peu baladeuses). En cela, il est bien plus « civilisé » que certains de ses ennemis, qui multiplient les trahisons, les actes de cruauté et le mépris total de la volonté de leurs victimes féminines.

Qu’est-ce que tu peux nous dire sur la série The Savage Sword of Conan ?

Camille Gardeil : Comme le reste des publications Marvel, c’est un étalage de talents de scénaristes et d’illustrateurs. Les différents artistes se succèdent pour mettre en image les œuvres de Robert E. Howard, mais également des histoires originales, fidèles à l’esprit des nouvelles de Howard. Je pense qu’elle a grandement participé à ancrer dans l’inconscient collectif l’image que l’on se fait aujourd’hui de Conan le Barbare ! Sans cette série, il n’aurait peut-être pas eu le rayonnement qu’il a aujourd’hui, apparaissant sur tous les supports : dans la littérature et la BD, évidemment, mais également au cinéma et dans les jeux, qu’ils soient vidéo, de plateau ou de rôles (papier comme grandeur nature) !

Quelles difficultés as-tu rencontré en traduisant l’appareil rédactionnel qui accompagne cette série Conan chez Hachette Collections ?

Camille Gardeil : La principale difficulté de ces traductions est la recherche des bons termes. Comme dans la traduction technique, une bonne partie de mon travail consiste à retrouver les termes qui ont été utilisés dans de précédentes traductions, pour garantir une certaine cohérence et ne pas perdre les fans francophones de la première heure. En dehors de ça, ces textes étant essentiellement informatifs, le style ne demande pas de grandes envolées poétiques, même s’il faut parfois « lisser » un peu la version anglaise pour qu’elle soit plus digeste en français !

Le Monde Sauvage de Conan : une maquette signée Cyril Bouquet

Cyril, tu es le maquettiste de la série Le Monde Sauvage de Conan : est-ce que tu peux nous expliquer en quoi consiste ton travail pour réaliser cette mise en page ?

Cyril Bouquet : Bonjour à tous. Eh bien, mon travail consiste surtout à vérifier du matériel qui a déjà été lettré car ce sont des BDs qui ont un certain âge, et qui ont, pour la plupart, déjà été publiées. Mais il arrive aussi de tomber sur des épisodes inédits, et là c’est un travail d’adaptation BD qui commence. Je dois donc effacer tous les dialogues américains de toutes les pages, puis avec un logiciel adapté, insérer la traduction correspondante, puis faire en sorte que le texte épouse le plus harmonieusement possible la forme de la bulle. Mon autre travail sur ce titre consiste aussi à m’occuper de la maquette, de la couverture aux pages intérieures comme l’édito. Au final, une fois que tous les intervenants ont vérifié le contenu du bouquin, je prépare les fichiers HD (haute définition) pour l’imprimeur, selon des profils colorimétriques et d’impression spécifiques.

Tu es également dessinateur BD et encreur. En tant qu’artiste, que penses-tu de cette collection Conan ?

Cyril Bouquet : En tant que dessinateur, ça permet de voir passer tout un tas de dessinateurs, des connus au moins connus (oublié avec le temps). Un de ceux que j’aime le plus, c’est John Buscema, son style colle tellement avec l’ambiance de Conan. Comme tu le sais, je suis plutôt un dessinateur au style manga, et voir ces épisodes en noir et blanc m’intéresse particulièrement car ça permet de voir d’autres techniques (parfois anciennes) n’utilisant pas la couleur. De plus, comme tu le sais certainement aussi, c’est, entre autre, le film Conan qui a été une inspiration pour Berserk, le manga culte de dark fantasy . Il y a parfois des ponts (graphique, thématique) qui relient cette œuvre aux comics Conan.

Les épisodes de Conan sur lesquels tu interviens ont un certain âge. En quoi est-ce différent de travailler sur des épisodes vintage comme ceux de The Savage Sword of Conan plutôt que, par exemple, sur les derniers épisodes de Shazam chez Urban Comics ?

Cyril Bouquet : La spécificité de vieux comics par rapport à des comics plus récents est surtout d’ordre technique (et encore, des comics récents, et même les mangas, utilisent cette « vieille » technique). Dans les comics d’aujourd’hui comme Shazam, les bulles, le texte et les images se trouvent sur des calques différents dans le logiciel Indesign (logiciel pour créer des livres), en important diverses informations dans un même document. Il « suffit » donc de faire disparaître le texte original d’un clic (on a même la possibilité d’agrandir ou de réduire la taille des bulles si on le souhaite). Alors que sur les Conan, il faut ouvrir les pages dans Photoshop, et effacer à la main le texte des bulles. Par contre, une fois revenu dans Indesign, comme on peut difficilement modifier les bulles, il faut « jouer » avec le texte pour que tout rentre. Et voilà, c’est aussi facile que ça!

Cyril Durr, relecteur-correcteur sur Le Monde Sauvage de Conan

Cyril, tu t’occupes de la relecture de la série Le Monde Sauvage de Conan : est-ce que c’est une mission compliquée ?

Cyril Durr : C’est un univers très riche qui demande de bien connaître ses particularités. L’on y rencontre de nombreux peuples, tribus ou confréries que l’on retrouve de tome en tome et dont il convient d’assurer la cohérence. Il faut savoir que l’univers de Conan contient en outre des références aux Grands Anciens de Lovecraft par exemple. Mieux vaut alors ne pas se tromper sur l’orthographe des noms de ces divinités très connues. Même s’il ne s’agit pas d’une difficulté particulière, il convient aussi de veiller au niveau de langage et à l’utilisation de certaines expressions qui pourraient se révéler anachroniques dans le contexte.

Avant de travailler sur cette collection qui adapte The Savage Sword of Conan, étais-tu un lecteur de Fantasy en général, ou de Robert E. Howard en particulier ?

Cyril Durr : Sans être un expert de Conan et Howard, j’avais bien entendu déjà lu certaines des aventures du Cimmérien, que ce soit en romans ou en bandes dessinées. Sans parler des adaptations ciné. Il s’agit d’un personnage qui fait partie des classiques de la pop culture. D’ailleurs, Marvel vient de l’intégrer à sa nouvelle série, Savage Avengers. Preuve que le barbare a encore de la ressource et peut surprendre !

En ce qui concerne le genre sword & sorcery en particulier, ou la fantasy en général, je me suis notamment passionné, étant jeune, pour le célèbre Cycle d’Elric, de Moorcock. Dans les œuvres plus récentes, j’aime beaucoup les romans de Joe Abercrombie et son « unheroic » fantasy, réaliste et cynique.

Tu es aussi romancier, que penses-tu du genre littéraire sword & sorcery dont Conan incarne l’archétype ?

Cyril Durr : C’est un genre très emblématique, avec ses codes bien connus, mais qui peut aussi se renouveler. Le traitement de la magie, par exemple, peut être plus ou moins subtil. L’on a souvent en tête des images spectaculaires de démons invoqués, de boules de feu, ce genre de choses, mais certains auteurs peuvent parfois ruser et donner du surnaturel une explication aussi futée que poétique. Je pense notamment à Bernard Cornwell qui, dans sa saga du Roi Arthur, fait de la sorcellerie un domaine en déliquescence mais dont l’impact est préservé grâce à diverses astuces et mises en scène.

En ce qui concerne Conan, il reste le symbole, pour plusieurs générations, de l’aventure exotique et de l’action débridée dans ce qu’elles peuvent avoir de plus excitant. Le simple nom de Conan évoque immédiatement chez les lecteurs un monde fascinant et violent, peuplé de personnages inquiétants. C’est dire si l’impact d’Howard sur la littérature fantastique est important et encore d’actualité.

Merci à tous les trois pour votre témoignage, par Crom !